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.Dégrisé, j’en étais même à me demander ce qui m’avait pris de venir jusqu’ici, à la poursuite d’un homme et d’une femme pareils.À la lueur faible des lampes, j’écrivis en hâte un autre télégramme à Tsuyuko.Maintenant que j’avais retrouvé Tomoko et Kuroda, je ne pouvais plus rentrer le soir même à Tôkyô.SUIS EN VOYAGE CAUSE AFFAIRE URGENTE.IMPOSSIBLE RENTRER D’ICI DEMAIN.PARDONNE-MOI.Et je décidai de profiter du prochain arrêt, à Suma, pour envoyer ce télégramme.Mais d’où pouvait bien me venir ce sang-froid ? Plus que du sang-froid, d’ailleurs, c’était peut-être de l’amour-propre, celui auquel un homme confronté à une telle situation s’accroche, en dernier recours.Sur ces entrefaites, j’entendis crier « Suma ! Suma ! » Le train s’arrêta.D’un bond, je sautai sur le quai.J’avais à peine fait quelques pas vers la gare que le violent désir qui m’avait brusquement saisi avant de prendre le train : rentrer à Tôkyô pour revoir Tsuyuko, s’enflamma de nouveau en moi.Il faut absolument que je rentre ! Après tout, n’est-ce pas sa mère la mieux placée pour s’occuper de Tomoko ? Ma décision était prise.Sur le formulaire que je tenais à la main, j’effaçai le télégramme adressé à Tsuyuko, et écrivis au dos, à la hâte :TOMOKO EST DANS CE TRAIN.JE M’EN REMETS À VOUS.Pliant plusieurs fois le papier, je me mis à courir sur le quai, cherchant la fenêtre derrière laquelle la mère était assise.Le train, après un arrêt d’une ou deux minutes, commençait à s’ébranler.La mère regardait d’un air vague à l’extérieur.« Lisez cela !— Qu’est-ce que c’est ? »Je la vois encore en train de sortir du petit réticule posé sur ses genoux la pochette de tissu contenant ses lunettes.Le train, traçant un pointillé de vitres allumées sur le quai sombre, disparut rapidement.Son sifflement décrut dans le lointain.J’entendis soudain, tout contre mon oreille, le bruit des vagues venant de la mer proche.Debout, ébahi, dans la pénombre de cette petite gare, je me demandai, incrédule, ce que je faisais là.Je regardai ma montre : si j’attendais le prochain train vers Kôbe, j’allais rater la dernière correspondance pour Tôkyô.Je louai un taxi devant la gare.Tandis qu’il roulait à tombeau ouvert dans la nuit, j’avais le sentiment d’être traqué par quelque chose à quoi j’essayais désespérément d’échapper.À Kôbe, une fois monté dans le train pour Tôkyô, épuisé par la fatigue des jours précédents, je m’endormis d’un sommeil de plomb.J’appris beaucoup plus tard, de la bouche de la mère de Tomoko, ce qui s’était passé par la suite.Après s’être retrouvée seule dans le train, elle était restée quelque temps l’esprit dans le vague, sans même penser à se demander pourquoi, au lieu de lui parler directement, je lui avais glissé ce papier.Émue jusqu’aux larmes à l’idée que sa fille était vivante et que — chose incroyable ! — elle voyageait dans le même train, elle avait songé plus ou moins aux mots qu’elle lui dirait quand elle allait la retrouver, en attendant que je la rejoigne pour que nous décidions de tout cela ensemble.Jamais elle n’aurait pu imaginer que j’étais descendu à la gare de Suma.« Il ne va pas tarder, il ne va pas tarder », se répétait-elle donc, attendant toujours.Elle finissait cependant par trouver le temps long.Peut-être étais-je en train de prendre un verre au wagon-restaurant ? Ou même, en train de discuter avec Tomoko dans un autre compartiment ? À cette idée, l’inquiétude l’avait saisie, et elle s’était rendue au wagon-restaurant pour me chercher discrètement, mais elle ne nous avait aperçus ni l’un ni l’autre.Elle avait fait le tour des autres wagons, sans plus de succès, et était revenue alors au restaurant.Là, elle avait vu, assis face à face à une table tout au fond, Tomoko et Kuroda en train de chuchoter.Leur présence lui avait-elle échappé auparavant ? Frappée de surprise, elle avait eu le même réflexe que moi, et se cachant près du coin-cuisine, avait attendu sans bouger.Bientôt Kuroda, se levant le premier, s’était approché, et était passé devant elle sans s’apercevoir de sa présence.Tomoko, qui le suivait, allait en faire autant quand la stupeur la cloua sur place.« Tomoko ! » Aussitôt, les yeux de sa fille furent noyés de larmes.« Ne dis rien ! Attends-moi ici, je reviens tout de suite ! » lança celle-ci à voix basse, et elle s’éloigna pour rejoindre Kuroda à la hâte.Effarée, la mère resta plantée là.Était-ce de joie ? De détresse ? Ses pleurs ne cessaient pas de couler.Il lui semblait que Tomoko avait fondu, et c’était un crève-cœur de voir ce visage, qui était devenu blanc comme un linge quand elles s’étaient trouvées face à face.Bientôt, Tomoko revint, tout essoufflée, et tirant sa mère par la manche, l’entraîna dans le fumoir
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