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.(Elle ménagea une pause comme si elle attendait une réaction de ma part).Sans bouclier.(Nouvelle pause).J’étais mouillée ! insista-t-elle, apparemment bien décidée à me scandaliser.– La semaine dernière, répliquai-je, j’ai marché sous la pluie et j’étais si trempé que mes chaussures faisaient floc-floc à chaque pas et que j’avais dans la bouche le goût pur de la pluie.C’est un de mes passe-temps préférés.La pluie a quelque chose de tellement apaisant… Même lorsqu’il vente et qu’il tonne, elle est silence.J’aime.Et puis, effaré de m’entendre dire des choses pareilles à haute voix, je me mis à faire, moi aussi, couler du sable entre mes doigts – un peu trop brutalement, au début.Elle tendit le bras et posa sa main à la peau laiteuse sur la mienne.– Brune.(Captant ma pensée, elle rectifia) : hâlée.– C’est le soleil.Nous sommes beaucoup au soleil sans écran.Cela nous bronze ou nous donne des taches de rousseur.Si on ne faisait pas attention, cela nous rendrait aveugles.– Vous vivez donc toujours en contact avec la Terre ? Au Foyer, il est rare que…Elle se tut et je perçus une sensation de confinement – peut-être tout à fait douillet et confortable quand on y est accoutumé depuis la naissance mais…– Comment cela se fait-il ? m’inquiétai-je.Qu’a donc votre monde pour que vous soyez forcés d’avoir tout le temps votre bouclier ?J’eus une pointe d’angoisse à la pensée de l’Eden que j’avais imaginé…– Nous n’y sommes pas forcés.Plus maintenant, tout au moins.Quand nous sommes arrivés au nouveau Foyer, nous avons dû le rénover de fond en comble.Nous voulions – quand je dis « nous », il s’agit évidemment de mes grands-parents – qu’il ressemble le plus possible à l’ancien.Nous avons réalisé une excellente imitation de la végétation, des collines, des vallées et des ruisseaux mais… (elle parlait comme un coupable)… mais ce n’est jamais qu’une copie – sans rien de fortuit ni de… de spontané.Quand le nouveau Foyer est devenu habitable, l’habitude était prise de ne pas quitter nos boucliers.C’était devenu un automatisme.Ma mère n’est jamais sortie une seule fois de sa chambre sans le sien.C’est… ça ne se fait pas, quoi.Je posai mon bras sur le sable qui crissait contre ma peau.Très confortable et douillet mais…Elle soupira :– Une fois – on m’a dit que j’étais pourtant assez grande pour être raisonnable –, une fois, je me suis promenée au soleil sans protection.J’étais crottée de la tête aux pieds, j’avais les mains pleines de boue et j’ai déchiré ma robe.(Elle prononçait ces mots mal famés en faisant un effort comme quelqu’un qui utilise l’argot le plus canaille dans une réunion bon chic, bon genre).Je me suis pris les cheveux dans des branches et ça tenait si fort que j’ai dû en arracher quelques-uns pour me libérer.Toute bravade avait disparu : elle partageait avec moi un de ses souvenirs les plus précieux – un souvenir qui aurait fait froncer les sourcils à ses compatriotes.J’effleurai doucement sa main car je ne communique pas très aisément quand il n’y a pas contact, et je vis.C’était avant le lever du jour.Elle se glissait subrepticement hors de la maison – une maison étrange, un paysage étrange, un monde étrange –, refermait la porte sans bruit et, une fois dans le bosquet qui se trouvait derrière le bâtiment, elle se mit à léviter.Mais la révolte qui brûlait en elle n’était pas pour moi quelque chose d’étranger.Cette rébellion, je ne la connaissais que trop bien moi-même.Soudain, elle coupa son écran.Je poussai la même exclamation étranglée qu’elle en sentant le vent caresser mon visage, mes bras – c’était aussi inouï que si j’étais le Premier dans un Foyer tout nouveau.Je le sentais même couler entre mes doigts comme de minuscules ruisselets.Je sentais le sol sous mes pieds hésitants, l’argile à la fois molle et ferme, le contour d’une feuille, les graviers aigus qui s’enfonçaient dans la chair, le sable granuleux de la berge.L’eau qui m’éclaboussait les jambes avait l’âpreté d’un citron dans lequel on mord.Et l’humidité ! Je ne savais pas que ce pouvait être une sensation aussi personnelle.Je ne me rappelle pas quand j’ai pataugé dans l’eau pour la première fois ni même avoir éprouvé cette sensation au point d’être capable de dire consciemment « Ceci est humide.» Quelle nouveauté ! C’était comme une chose que je n’avais encore jamais sentie.Soudain, je retrouvai l’odeur des manzanitas écrasées – la main de Salla n’était plus sous la mienne.– Mère me cherche, chuchota-t-elle.Elle ignore où je suis.Si elle le savait, elle aurait un quanic ! Il faut que je rentre avant qu’elle s’aperçoive que ma chambre ne répond pas.– Quand allez-vous sortir de l’astronef ?– Demain, je crois.Mais Laam restera plus longtemps à bord.C’est notre Motivateur.Traverser l’atmosphère a été épuisant – plus que tout le reste du voyage.Mais les autres…– Combien sont-ils ? lui demandai-je tandis qu’elle s’élevait le long de la carène bombée du vaisseau.– Eh bien, il y a…La porte s’ouvrit et se referma quand Salla s’y fut glissée.J’entendis un « Fais de beaux rêves » informulé, puis, et j’en fus tout abasourdi, une joue veloutée effleura une de mes joues en même temps que des lèvres tièdes se posaient sur l’autre.J’étais dérouté et confus, bien que ravi, jusqu’au moment où, éclatant de rire, je réalisai que je m’étais trouvé pris en sandwich entre l’appel de la mère à la recherche de sa fille et la réponse de Salla.– Fais de beaux rêves, émis-je à mon tour en m’enroulant dans mes couvertures.Quelque chose me réveilla avant l’aube.Je ne bougeai pas.J’étais tiré de mon somme comme un poisson que l’on a sorti de l’eau et je frissonnais dans le no man’s land entre le sommeil et l’état de veille.« Je suis censé devoir réfléchir, me dis-je, quelque peu comateux.Faire de la concentration de pensée.»Et je concentrai ma pensée.Je pensai à mon Peuple qui tergiversait et tergiversait, qui attendait et attendait, qui marchait alors qu’il pouvait voler.Tu te rends compte de ce que nous pourrions faire si nous cessions d’atermoyer et passions vraiment à l’action ! Bethie, notre Sensitive, dans un centre médical indiquant aux médecins de quoi souffrent les malades… Plus question pour les patients de se cacher derrière des maux imaginaires, plus d’erreurs de diagnostic.L’identification immédiate des maladies
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