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.Soudain triste et accabl� par cette solitude presque insupportable,j'ai l'heureuse id�e de fouiller notre cache, dont nous ne nous sommespas servis depuis toute une ann�e.Tchaslav avait arrach� une briqueau pied d un mur mitoyen � l aide de son canif, puis creus� un trou o�nous avions d�pos� une bo�te de sardines envelopp�e d une toile cir�e,avant de remettre la brique en place : c est notre bo�te aux lettres, nousy cachons les messages importants.Apr�s m'�tre assur� qu'il n'y avait personne aux alentours, je retirela brique du mur.La bo�te de sardine est bien l�, puant comme unepunaise, mais son pr�cieux contenu me fait oublier sa mauvaise odeur :un bout de papier enroul�, �crit de la main de Radoch, un mot qui metransporte de joie.Mardi, 13.Midi.Partis sur les radeaux des Six Peupliers.R.T.Z.Je repasse par la maison en toute h�te pour prendre mon maillotde bain et je me pr�cipite vers la Save.Malheureusement, je ne peux enlever mes souliers orthop�diques, qui me br�lent les pieds.Moi, lecanard boiteux, je ne peux marcher pieds nus comme les autresenfants.En passant devant les peupliers, je les compte une fois de plus- je n'arrive pas � m'en emp�cher - et je constate de nouveau que lenom de la station de tramway n'est pas justifi�.Ils sont dix, majestueux,mais fatigu�s par la chaleur estivale, las de rester debout et d'attendreen vain les premi�res pluies d'automne.Un bruit de pas attire mon attention : c'est une colonned Allemands, prisonniers de guerre, qui rentrent d'un chantier deconstruction.Je les regarde � la d�rob�e, coll� contre un peuplier.Lat�te ras�e, le visage d�charn� et terreux, tout de gris v�tus, ilsmarchent d un pas lent, p�niblement, n ayant plus rien � voir avec lesimpitoyables guerriers volants qui avaient bombard� notre ville.Lesyeux baiss�s, le regard fuyant, leurs gourdes cliquetant � leur ceinture,ils tra�nent leurs pieds comme pris dans des entraves invisibles.Il me font piti�, m attendrissent subitement, surtout le dernier de lacolonne, un petit maigre sans �ge, glabre, boiteux.C est le seul � leverson regard vers moi, un regard bleu et p�tillant.Stup�fait, je le vois mefaire un clin d'Sil, un de ces clins d Sil que seuls de vrais copainspeuvent �changer.Je lui rends la pareille en souriant.Puis nous nouss�parons pour toujours, boitant tous les deux et, tout � coup,joyeusement complices.Il a suffi d un simple clin d'Sil pour que nous nous pardonnionstout ce que s'�tait pass� pendant et apr�s la guerre.Je lui ai pardonn�de nous avoir sauvagement bombard�s, d'avoir d�truit la moiti� de notreville, et il m'a pardonn� de l'avoir emprisonn�, encha�n� et affam�.Ainsi,je me suis fait un ami dont j'ignore le nom et que je ne reverrai jamais,mais qui restera mon fr�re de peine.Du printemps � l'automne, des milliers de troncs d'arbres flottentle long de la rive droite de notre Save, maintenus par des cordes de fer.Arm�s de longues perches � crochets, de vieux loups de rivi�reconduisent ces radeaux, appel�s trains de flottage.C'est sur cesradeaux, d'avril � mi-septembre, que les enfants de notre Colline semesurent entre eux au nombre de baignades.Sautant d'un tronc �l'autre, les plus courageux atteignent parfois le milieu de la rivi�re, o�l'eau verd�tre forme souvent de gros remous. Clopinant et les jambes mal assur�es sur la terre ferme, je n aijamais os� un tel exploit, marcher sur ces troncs qui se cabrent etbondissent dans l'eau comme des crocodiles.Je me contente de resteren compagnie de Maya et de Marina sur un banc de sable, de regarderles gar�ons sauter de tronc en tronc pour se jeter dans l'eau avec descris de joie.J'ai appris � nager, j'ai un maillot de bain dernier cri, je ne tra�neraiplus sur la rive avec les filles.Pour une fois, je ferai un plongeon, jepiquerai une t�te et je montrerai � Tchaslav, � Maya et aux autrescomment je ma�trise la brasse.S il en est besoin, je me servirai un peude ma jambe gauche pour m appuyer sur le fond ; personne n'en verrarien, la Save est moins limpide que la mer.� l'exception de Maya, ils sont tous l�, Tchaslav, Radoch et Zorko.Ils poussent des hourras et admirent mon maillot de bain, confectionn�� Paris et orn� de menues tours Eiffel multicolores.Je suis le seul �avoir un vrai maillot de bain ; celui de Radoch, au couleurs de l arc-en-ciel, un cadeau de son fr�re dans lequel il s'�tait pavan� l'ann�e pass�e,est devenu trop petit pour notre camarade ventru.� l �gal de Tchaslavet de Zorko, cette ann�e Radoch porte un simple cale�on � jambescourtes.Je les trouve tr�s beaux, mes amis, brunis par le soleil, pareils �des statues de bronze, les muscles couverts de gouttelettes luisantes etles cheveux en bataille.M�me Radoch me para�t beau, quoiqu'il aitbeaucoup grossi en quinze jours.Leurs yeux sont rouges, ils ont encoreplong� dans la rivi�re en les gardant ouverts.Ils me racontent qu il ontvu un �norme poisson-chat pr�s des radeaux, un silure moustachuaussi gros que Radoch.Ils se d�m�nent et rient � qui mieux mieux,�cartant autant que faire se peut les bras pour me montrer la taille de cemonstre aquatique :� Comme �a ! Comme �a ! Comme �a !.�Je me change pudiquement derri�re un rocher et m'engage dansl'eau � l'endroit o� la pente d'un banc de sable m'assure une descenteais�e.Pendant ce temps, je me r�p�te : � Tu r�unis tes mains sous tonmenton.jambes repli�es.tu tends les bras loin en avant.� Lecourant est plus fort que pr�vu et me fait chanceler.Lorsque je suisenfin dans l'eau jusqu � la taille, je plonge, je me lance.J'entends les cris de joie de mes amis sur la rive :� Bravo, Mio ! Bravo, vieux ! � Je tends les bras, je donne des coups de pied.� Bravo, champion ! �Ma jambe gauche appuyant sur le fond, j'avance contre le courant.Une petite vague qui heurte un radeau vire vers moi.Elle me gifle et mefait avaler une gorg�e d'eau.Au m�me moment, ma jambe gauche batdans le vide, elle ne touche plus le fond.Le sol s'est soudain d�rob�sous moi.Transi de peur, j'agite tr�s fort les pieds plusieurs fois sansparvenir � atteindre le fond.J'ai beau agiter les bras : je vois la rives'�loigner [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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