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.Pas trop longtemps, par exemple, sans quoi il finiraitpar mourir asphyxié.On le remontera dans une cabine dupont quand nous aurons dépassé Budapest, demain matin,après mon départ. Tu as donc l intention de t absenter? demanda Titcha. Oui, répondit Striga.Je quitterai le chaland de temps entemps afin de recueillir des informations sur la rive.Je verraice qu on dit de notre dernière affaire et de la disparition deDragoch. Et si tu te fais pincer? objecta Titcha. Pas de danger.Personne ne me connaît, et la police dufleuve doit être dans le marasme.Pour les autres, j aurai, s ille faut, une identité toute neuve. Laquelle? Celle du célèbre Ilia Brusch, pêcheur insigne et lauréatde la Ligue Danubienne. Quelle idée! Excellente.J ai le bateau d Ilia Brusch.Je luiemprunterai sa peau, à l exemple de Karl Dragoch. Et si l on te demande du poisson?171 J en achèterai, s il le faut, pour le revendre. Tu as réponse à tout. Parbleu! »La conversation prit fin sur ce mot.Le chaland avaitcommencé à suivre le fil du courant.Il soufflait une légèrebrise du Nord qui serait très favorable quand, un peu au-dessus de Visegrad, le Danube, revenant sur lui-même,suivrait la direction du Sud.Jusque-là, au contraire, cettebrise du Nord retardait singulièrement le bateau, et Striga,pressé de s éloigner du théâtre de ses exploits, donna l ordrede border deux longs avirons qui aideraient à gagner contre levent.Il fallut trois heures pour parcourir dix kilomètres etatteindre le premier coude du fleuve, puis deux heures encorepour suivre la courbe que dessine le Danube avant d adopterfranchement la direction du Sud.Un peu en amont deWaitzen, on put enfin abandonner les avirons, et, sous lapoussée de la voile, la marche du bateau fut notablementaccélérée.Vers onze heures on passa devant Saint-André où lesdeux charretiers Kaiserlick et Vogel avaient prétendu serendre au cours de la nuit précédente.Il ne fut pas questionde s y arrêter, et le chaland continua à dériver vers Budapest,encore distante de vingt-cinq à trente kilomètres.À mesure qu on gagnait vers l aval, l aspect des rivesdevenait plus sévère.Les îles ombreuses et verdoyantes semultipliaient, ne laissant parfois entre elles que d étroitscanaux, interdits aux chalands, mais suffisants pour lanavigation de plaisance.Dans cette partie du Danube, la batellerie commence à172devenir assez active.Il y a même de fréquentsencombrements, car le cours du fleuve est resserré entre lespremières ramifications des Alpes Norriques et les dernièresondulations des Karpathes.Quelquefois se produisent deséchouages ou des abordages, peu dommageables en somme,pour peu que l attention des pilotes soit un seul instant endéfaut.En général, le malheur se réduit à une perte de temps.Mais que de cris, que de querelles, au moment de la collision!Le chaland, dont Striga était le capitaine, devait êtrecompté parmi les mieux dirigés.De grande taille, puisque sacapacité dépassait deux cents tonnes, le pont proprement diten était recouvert d une sorte de superstructure, d unspardeck, qui formait, à l arrière, le toit du rouf habité par lepersonnel.Un mâtereau à l avant servait à hisser le pavillonnational, et, à la poupe, un gouvernail à large safranpermettait au pilote de maintenir le bateau en bonnedirection.À mesure qu on descendait le courant, l animation dufleuve allait croissant, ainsi que cela se produit aux approchesdes grandes cités.Des embarcations légères, à vapeur ou àvoiles, chargées de promeneurs ou de touristes, se glissaiententre les îles.Bientôt, dans le lointain, la fumée de cheminéesd usines empâta l horizon, annonçant les faubourgs deBudapest.À ce moment, il se produisit un fait singulier.Sur unsigne de Striga, Titcha pénétra dans le rouf de l arrière, avecun de ses compagnons de l équipage.Les deux hommes enressortirent bientôt.Ils escortaient une femme d une tailleélancée, mais dont il était malaisé de voir les traits à demicachés par un bâillon.Les mains liées derrière le dos, cette173femme marchait entre ses deux gardiens, sans essayer d unerésistance dont l expérience lui avait sans doute démontrél inutilité.Docilement, elle descendit dans la cale parl échelle du grand panneau, puis dans un compartiment dudouble fond dont la trappe fut refermée sur elle.Cela fait,Titcha et son compagnon reprirent leurs occupations, commesi de rien n était.Vers trois heures de l après-midi, le chaland s engageaentre les quais de la capitale de la Hongrie.À droite, c étaitBuda, l ancienne ville turque; à gauche, Pest, la villemoderne.À cette époque, Buda était, plus qu elle ne l estrestée de nos jours, une de ces vieilles et pittoresques citésque le progrès égalitaire tend à faire disparaître.Par contre,Pest, si son importance était déjà considérable, n avait pasencore atteint le prodigieux développement qui a fait d elle laplus importante et la plus belle métropole de l Europeorientale.Sur les deux rives, et notamment sur la rive gauche, sesuccédaient les maisons à arcades et à terrasses, quedominaient les clochers des églises dorés par les rayons dusoleil, et la longue enfilade des quais ne manquait ni denoblesse ni de grandeur.Le personnel du chaland n accordait pas son attention à cespectacle enchanteur.La traversée de Budapest pouvantménager de désagréables surprises à des gens si sujets àcaution, l équipage n avait d yeux que pour le fleuve où secroisaient de nombreuses embarcations.Ce prudent soucipermit à Striga de distinguer en temps voulu, au milieu desautres, un bateau conduit par quatre hommes, qui se dirigeaiten droite ligne vers le chaland.Ayant reconnu un canot de la174police fluviale, il avertit d un coup d oeil Titcha, qui, sansautre explication, s affala par le panneau dans la cale.Striga ne s était pas trompé.En quelques minutes, cecanot eut rallié la gabarre.Deux hommes montèrent à bord.« Le patron? demanda l un des nouveaux arrivants. C est moi, répondit Striga en faisant un pas en avant deses compagnons. Votre nom? Ivan Striga. Votre nationalité? Bulgare. D où vient cette gabarre? De Vienne. Où va-t-elle? À Galatz. Son propriétaire? M.Constantinesco, de Galatz. Chargement? Néant.Nous retournons à vide. Vos papiers? Les voici, dit Striga, en offrant au questionneur lesdocuments demandés. C est bon, approuva celui-ci, qui les restitua après unexamen consciencieux.Nous allons jeter un coup d oeil dansvotre cale. À votre aise, concéda Striga.Je vous ferai toutefoisremarquer que c est la quatrième visite que nous subissonsdepuis notre départ de Vienne.Ce n est pas agréable.»175Le policier, déclinant du geste toute responsabilitépersonnelle dans les ordres dont il n était que l exécuteur,descendit sans répondre par le panneau.Arrivé au bas del échelle, il s avança de quelques pas dans la cale dont sonregard fit le tour, puis il remonta.Rien n était venu l avertirque sous ses pieds gisaient deux créatures humaines, unhomme, d un côté, une femme de l autre, toutes deuxréduites à l impuissance et hors d état de demander dusecours.La visite ne pouvait être plus consciencieuse ni pluslongue
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