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.Lesouvenir de ses traits s'est comme obscurci par mon désespoir.Maisn'avait-il pas quelque chose de divin dans le regard? Ne semblait-il pas,quand il entrait, qu'un air brillant et pur annonçait son approche?Mon ami, vous l'avez vu se placer près de moi, m'entourer de ses soins,me protéger par le respect qu'il inspirait pour son choix.Ah ! commentexister sans lui ? Pardonnez mon ingratitude.Dois-je reconnaître ainsi laconstante et noble affection que vous m'avez toujours témoignée ? Mais jene suis plus digne de rien, et je passerais pour insensée, si je n'avais pas letriste don d'observer moi-même ma folie.Adieu donc, adieu ».CHAPITRE III.Combien elle est malheureuse la femme délicate et sensible qui commetune grande imprudence, qui la commet pour un objet dont elle se croitmoins aimée, et n'ayant qu'elle-même pour soutien de ce qu'elle fait ! Sielle hasardait sa réputation et son repos pour rendre un grand service àcelui qu'elle aime, elle ne serait point à plaindre.Il est si doux de sedévouer ; il y a dans l'âme tant de délices quand on brave tous les périlspour sauver une vie qui nous est chère, pour soulager la douleur quidéchire un coeur ami du nôtre ; mais traverser ainsi seule des paysinconnus, arriver sans être attendue, rougir d'abord, devant ce qu'onaime, de la preuve même d'amour qu'on lui donne; risquer tout parce qu'onle veut, et non parce qu'un autre vous le demande ; quel pénible sentiment! quelle humiliation digne pourtant de pitié! car tout ce qui vient d"aimer enmérite.Que serait-ce si l'on compromettait ainsi l'existence des autres, sil'on manquait à des devoirs envers des liens sacrés ? Mais Corinne étaitlibre ; elle ne sacrifiait que sa gloire et son repos.Il n'y avait point deraison, point de prudence dans sa conduite, mais rien qui pût offenser uneautre destinée que la sienne, et son funeste amour ne perdait qu'elle-même.En débarquant en Angleterre, Corinne sut par les papiers publics que ledépart du régiment de lord Nelvil était encore retardé.Elle ne vit àLondres que la société du banquier auquel elle était recommandée sous unnom supposé, Il s'intéressa d'abord à elle, et s'empressa, ainsi que safemme et sa fille, à lui rendre tous les services imaginables.Elle tombadangereusement malade en arrivant, et pendant quinze jours ses nouveauxamis la soignèrent avec la bienveillance la plus tendre.Elle apprit que lordNelvil était en Ecosse, mais qu'il devait revenir dans peu de jours àLondres, où son régiment se trouvait alors.Elle ne savait comment serésoudre à lui annoncer qu'elle était en Angleterre.Elle ne lui avait pointécrit son départ ; et son embarras était tel à cet égard, que depuis unmois Oswald n'avait point reçu de ses lettres.Il commençait à s'eninquiéter vivement : il l'accusait de légèreté, comme s'il avait eu le droit des'en plaindre.En arrivant à Londres, il alla d'abord chez son banquier, où ilespérait trouver des lettres d'Italie ; on lui dit qu'il n'y en avait point.Ilsortit, et comme il réfléchissait avec peine sur ce silence, il rencontra M.Edgermond qu'il avait vu à Rome, et qui lui demanda des nouvelles deCorinne.- Je n'en sais point, répondit lord Nelvil avec humeur.- Oh ! je lecrois bien, reprit M.Edgermond, ces Italiennes oublient toujours lesétrangers dès qu'elles ne les voient plus.Il y a mille exemples de cela, et ilne faut pas s'en affliger; elles seraient trop aimables si elles avaient de laconstance unie à tant d'imagination.Il faut bien qu'il reste quelqueavantage à nos femmes.- Il lui serra la main en parlant ainsi, et prit congé de lui pour retournerdans la principauté de Galles, son séjour habituel; mais il avait en peu demots pénétré de tristesse le coeur d'oswald.- J'ai tort, se disait-il à lui-même, j'ai tort de vouloir qu'elle me regrette, puisque je ne puis meconsacrer à son bonheur.Mais oublier si vite ce qu'on a aimé, c'est flétrirle passé au moins autant que l'avenir.Au moment où lord Nelvil avait su lavolonté de son père, il s'était résolu à ne point épouser Corinne ; mais ilavait aussi formé le dessein de ne pas revoir Lucile.Il était mécontent del'impression trop vive qu'elle avait faite sur lui, et se disait qu'étantcondamné à faire tant de mal à son amie, il fallait au moins lui gardercette fidélité de coeur qu'aucun devoir ne lui ordonnait de sacrifier.Il secontenta d'écrire à lady Edgermond pour lui renouveler ses sollicitations,relativement à l'existence de Corinne ; mais elle refusa constamment delui répondre à cet égard, et lord Nelvil comprit par ses entretiens avec M.Dickson, l'ami de lady Edgermond, que le seul moyen d'obtenir d'elle ce qu'ildésirait serait d'épouser sa fille ; car elle pensait que Corinne pouvaitnuire au mariage de sa soeur, si elle reprenait son vrai nom, et si safamille la reconnaissait.Corinne ne se doutait point encore de l'intérêt que Lucile avait inspiré àlord Nelvil.La destinée lui avait jusqu'alors épargné cette douleur.Jamaiscependant elle n'avait été plus digne de lui, que dans le moment même oùle sort l'en séparait.Elle avait pris pendant sa maladie, au milieu desnégociants simples et honnêtes chez qui elle était, un véritable goût pourles moeurs et les habitudes anglaises.Le petit nombre de personnesqu'elle voyait dans la famille qui l'avait reçue n'étaient distinguéesd'aucune manière, mais possédaient une force de raison et une justessed'esprit remarquables.On lui témoignait une affection moins expansiveque celle à laquelle elle était accoutumée, mais qui se faisait connaître àchaque occasion par de nouveaux services.La sévérité de lady Edgermond,l'ennui d'une petite ville de province lui avaient fait une cruelle illusion surtout ce qu'il y a de noble et de bon dans le pays auquel elle avait renoncé,et elle s'y rattachait dans une circonstance où, pour son bonheur dumoins, il n'était peut-être plus à désirer qu'elle éprouvât ce sentiment.CHAPITRE IV.Un soir la famille qui comblait Corinne de marques d'amitié et d'intérêt lapressa vivement de venir voir jouer madame Siddons dans Isabelle ou lefatal mariage, l'une des pièces du théâtre anglais où cette actrice déploiele plus admirable talent
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